A Paris, une nouvelle pièce de théâtre relance le débat sur la « christianophobie ». Pour le Dominicain François Boespflug, elle fait partie d’un mouvement de rejet de l’héritage chrétien.
Après la pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Romeo Castellucci, c’est au tour de « Golgota Picnic », de l’Hispano-Argentin Rodrigo Garcia, de susciter la polémique à Paris. Le 8 décembre dernier, un impressionnant dispositif de sécurité « encadrait » une manifestation silencieuse rassemblant 200 personnes, une fleur à la main, aux abords du Théâtre du Rond-Point (où se joue la pièce) et une délégation du collectif « Culture et foi », emmenée par l’humoriste Frigide Barjot et le comédien Michael Lonsdale, qui fut reçue par le directeur de ce théâtre, rapporte le journal La Croix. Le cortège a ensuite rejoint la cathédrale Notre-Dame où le cardinal André Vingt-Trois avait appelé les fidèles à une veillée de prière pour protester contre une pièce qui « insulte la personne du Christ en croix ». La cathédrale était trop petite pour accueillir les 6.000 personnes qui s’étaient ainsi déplacées. Des chants et des lectures du récit de la passion de Jésus ont accompagné les prières des fidèles qui étaient également invités à vénérer la couronne d’épines ainsi qu’un morceau de la croix.
Vers 22 heures, ce fut au tour des « lefebvristes » de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) de venir à proximité du Théâtre du Rond-Point. Rassemblant 500 fidèles selon les organisateurs, elle s’est conclue par un discours très musclé de l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX, qui a dénoncé une pièce « satanique » et prononcé ensuite une prière d’exorcisme.
Ces mouvements d’opposition, symbolique ou plus « engagée », à la pièce de Rodrigo Garcia, viennent ainsi s’ajouter aux regroupements et aux envahissements de scène qui s’étaient produits lors des représentations au Théâtre du Châtelet de « Sur le concept du visage du fils de Dieu » en octobre dernier. À l’appel de l’Institut Civitas (présidé par le bruxellois Alain Escada), proche du mouvement lefebvriste, quelques dizaines de personnes s’étaient retrouvés chaque soir pour prier devant le théâtre, certains s’introduisant dans la salle pour perturber le spectacle qu’ils jugeaient « christianophobe ».
Agressivité « oedipienne »
Christianophobie? Blasphème? Force est de constater que les œuvres provocatrices envers la religion catholique se multiplient. Pour quelles raisons? Dominicain et historien de l’art à Strasbourg, François Boespflug estime que la société éprouve aujourd’hui une lassitude face au christianisme et à l’immense dette qu’elle a envers lui. Dans une interview accordée au journal suisse « Le Temps » du 9 décembre, il explique notamment que « Notre société aimerait s’être autofondée et ne rien devoir à aucune religion. On assiste à une prolifération d’œuvres relevant d’une sorte d’agressivité oedipienne. Cette christianophobie provoque à son tour des réactions de chrétiens blessés ».
Le professeur relève aussi la naïveté des gens qui pensent qu’un simple retrait de la notion de blasphème du droit pénal suffit pour qu’il n’existe plus. Le dominicain rappelle que certains comportements, comme celui du guide qui a scié des croix sommitales en Gruyère, dans le canton de Fribourg, font que les chrétiens se sentent agressés. Il remarque que dans notre société, il existe une « libération de la notion d’intolérance » lorsqu’il s’agit de régler des comptes avec l’héritage chrétien.
Cathos plus sensibles
François Boespflug souligne encore que tout ce qui touche à la Vierge, à l’eucharistie et à la papauté est un sujet très sensible chez les catholiques. Ce qui n’est pas le cas chez les autres confessions. Il explique que dès le moment que l’on donne un visage ou une image à ce que l’on croit, il faut s’attendre à être moqué ou caricaturé.
Enfin, le professeur encourage à protester contre ces œuvres provocatrices. « Une pièce attaquant de la sorte les religions juive ou musulmane auraient provoqué davantage de réactions scandalisées », conclut-il.
Apic/P.G.
L’article de Libération sur Civitas
La vidéo sur la veillée de prière à Notre-Dame de Paris