Dans le magnifique collège des Bernardins (Paris), réinauguré en 2008, qui reçut la visite de Benoît XVI la même année, l’association des Écrivains croyants a récemment organisé une grande rencontre rassemblant une centaine d’écrivains des religions monothéistes. Dédicaces. Tables rondes. Lectures et hommages. Une journée riche de multiples rencontres.
L’association des Écrivains croyants a été créée dans les années 1970. Elle fut présidée par Olivier Clément, le grand écrivain et théologien orthodoxe maintenant décédé, puis par France Quéré, protestante, et Roger Bichelberger, romancier. Lieu de rencontres et de dialogues, l’association réunit des écrivains des religions monothéistes de l’espace francophone. À l’occasion de conférences, colloques et rencontres-signatures, elle veut faire connaître ces écrivains qui, par leurs livres, participent à la réflexion spirituelle et aux débats qui préoccupent le monde d’aujourd’hui. Depuis le 14 octobre 2009, cette association est présidée par Christophe Henning, catholique, journaliste à Panorama et auteur d’une douzaine d’ouvrages dont le récent “Le jardinier de Tibhirine” (Bayard). Chaque année, elle décerne un prix. Cette année, Véronique Margron, pour “Fragiles existences” (Bayard), et François Sureau, pour son “Inigo” (Gallimard) retraçant la conversion d’Ignace de Loyola, en furent les lauréats.
Mais quelles sont ces identités d’écrivains croyants? Une table ronde tentait d’y répondre. Un écrivain croyant n’est pas nécessairement un porte-parole d’une religion, ni un illustrateur du catéchisme, a insisté Claire Daudin, romancière et essayiste. Ainsi Charles Péguy, qui a retrouvé la foi en 1908 avant de mourir au front en 1914, ne fut pas toujours bien reçu non seulement pas les non-croyants, mais également par les catholiques. Une œuvre d’un écrivain croyant reste personnelle, elle peut déranger et faire grandir. Elle-même reconnaissait n’être pas inspirée par autre chose que les questions que lui pose sa foi.
Anne Ducrocq, journaliste à Livres Hebdo, craint “l’entre-soi” de la petite niche des 2% de l’édition qui sont religieux. Il s’agit, selon elle, de témoigner de l’Esprit, de la manière dont l’homme d’aujourd’hui se redresse. Selon elle, un écrivain croyant ne témoigne pas d’abord d’une identité, mais d’une expérience (qu’il faut nourrir d’intelligence).
“Mon mari n’était pas un poète chrétien, mais un chrétien poète, a rappelé la femme d’un poète défunt, présente dans le public. Bien sûr, il y a des poèmes plus transparents, mais on n’est pas obligé de parler tout le temps chrétien.” Un livre, un roman peut permettre une rencontre qu’un langage plus institutionnel ne permet pas. Olivier Clément parlait d’une “littérature secrètement aimantée par la foi”. Pour ce qui est des essais écrits par les croyants, ils ont pour but, selon Elsa Rosenberger, non de témoigner, mais d’expliquer, d’éclairer, de rendre accessible. Et l’éditrice du Seuil de veiller à toujours éviter le prosélytisme car, “plus il y a d’identité, moins il y a d’échanges”.
Être écrivain croyant dépend plus de l’auteur que du lecteur, explique Christophe Henning, le président de l’association, rappelant que l’expression “écrivain croyant” date des années 1970, au temps du marxisme encore triomphant. Un écrivain croyant est d’abord un écrivain, mais toute littérature est marquée par la personne qui écrit, car on met de soi quand on écrit. N’est-ce pas pour cela que certains livres de Benoît XVI sont signés Joseph Ratzinger?
Au cours de cette journée, on pouvait rencontrer bien des auteurs connus de nos lecteurs. Pour la Belgique, Colette Nys-Mazure, Gabriel Ringlet et votre serviteur. On pouvait encore rencontrer Fabrice Hadjadj, Véronique Margron, Mannick, Didier Decoin, Stan Rougier, Bernard Lecomte, Marc Leboucher, Jacques Duquesne, Sylvie Germain, Joël Schmidt et bien d’autres encore…
Charles Delhez, à Paris