L’ordination épiscopale du Père Joseph Shen Guao’an pour le diocèse de Wuhan (province du Hubei ) aurait dû avoir lieu le 9 juin. La cérémonie a été finalement reportée "sine die" par les autorités chinoises. Rome n’avait cessé de contester sa validité.
Cela faisait déjà quelques jours que l’information selon laquelle l’ordination était reportée sine die avait été communiquée aux évêques des diocèses voisins, lesquels étaient pourtant soumis depuis des semaines à des pressions considérables de la part des autorités pour se rendre à la cérémonie et accepter d’y concélébrer. Avec la discrétion de rigueur, chacun d’entre eux a assuré ne pas avoir été informé des motifs de cette annulation à la dernière minute.
Echanges vifs entre Pékin et le Saint-Siège
L’affaire semblait pourtant n’être qu’une simple formalité. Les échanges avaient été vifs entre Pékin et le Saint-Siège, et les positions des deux parties exposées clairement. Le Vatican avait assuré de son soutien "tous ceux qui en Chine rencontraient des difficultés pour professer librement leur foi" et incité "l’Eglise en Chine à demeurer (...) une, fidèle et ferme dans la doctrine et la discipline ecclésiale". Les responsables de l’Association patriotique des catholiques chinois, l’organe du gouvernement qui encadre l’Eglise en Chine, avaient réaffirmé de leur côté que le Vatican n’avait pas à intervenir dans l’élection et l’ordination des évêques, lesquelles "n’appelait pas un éventuel accord du pape".
L’ordination de l’évêque de Wuhan prévue le 9 juin s’inscrivait donc dans un contexte tendu, suite prévisible du changement d’attitude de la Chine vis-à-vis du Saint-Siège amorcé avec l’ordination "illicite" de l’évêque de Chengde en novembre dernier, suivie peu après de la convocation à Pékin par les autorités chinoises de la 8e assemblée des représentants catholiques, instance également non reconnue par l’Eglise catholique. Malgré les exhortations de Benoît XVI à résister "avec courage" aux pressions du gouvernement, bon nombre d’évêques, dont certains ordonnés avec l’accord du pape, avaient assisté à l’assemblée qui s’était réunie du 7 au 9 décembre 2010 et avait élu les responsables des structures officielles encadrant l’Eglise en Chine. Une nouvelle fois, le Vatican avait fait part de "sa profonde douleur" face à des actes "inacceptables et hostiles".
Menace de déstabilisation
Dans un contexte de conflit ouvert avec Rome, et alors qu’une dizaine d’autres ordinations sont prévues cette année – dont un certain nombre pour des candidats n’ayant pas l’aval pontifical –, le report de l’ordination de ce jeudi 9 juin suscite donc des avis partagés. Certains observateurs y ont vu un recul des autorités chinoises face au Vatican et le souci de "ne pas transgresser les lois de l’Eglise". Ce à quoi rétorquent les sceptiques que les récents évènements ont démontré le peu de cas que faisait Pékin des admonestations du Vatican. Ils soulignent davantage les difficultés auxquelles se heurtent ces derniers temps les autorités chinoises pour maintenir l’ordre sur le territoire. La menace d’une déstabilisation intérieure par les mouvements pro-démocratiques qui en Chine ont suivi la vague du "printemps arabe", a été en effet le prétexte ces mois derniers à un durcissement policier conséquent.
De plus, le diocèse de Wuhan, capitale de la province du Hubei, présente des particularités qui en font un territoire sensible et peu propice au "parachutage" d’un candidat imposé par Pékin et non validé par Rome. Depuis les années 1990 en effet, ce diocèse atypique est devenu le symbole de la réconciliation possible entre catholiques "clandestins" et chrétiens "officiels". Sur ce territoire où se superposent des structures ecclésiastiques différentes (3 diocèses pour le Vatican mais un seul pour les autorités chinoises), les évêques clandestins et leurs communautés avaient réussi à s’entendre et à vivre en bonne harmonie avec l’évêque "officiel" de Wuhan, Mgr Dong. (CtB/Apic/PA)