Dans un article publié sur le site de la Fondation Oasis, vouée à la promotion de la connaissance réciproque et la rencontre entre chrétiens et musulmans, l’archevêque de Tunis, Mgr Maroun Lahham, fait part de son incompréhension face à l’inhospitalité des Européens après la crise tunisienne et libyenne.
« Cela ne s’était jamais vu depuis que la Tunisie est Tunisie et la Libye la Libye« , écrit Mgr Lahham. « La Tunisie ne s’était pas encore relevée de son Tsunami politique et social, que la Libye voisine est entrée dans une rébellion armée que personne ne prévoyait. Et comme il y a des millions d’étrangers qui travaillent dans tous les domaines en Libye, on a assisté à un exode de masse vers la Tunisie et l’Égypte. » Ainsi, entre 250.000 et 300.000 personnes ont-elles passé la frontière tuniso-libyenne. Certaines d’entre elles ont pu être rapatriées assez rapidement dans leur pays, mais d’autres attendent toujours, surtout les Nigérians, les Somaliens et les Érythréens.
« Nous avons assisté à des scènes formidables de solidarité et d’accueil« , poursuit l’archevêque de Tunis. « Au début, l’accueil était spontané. Les habitants des villages près de la frontière portaient de quoi manger et boire. Ensuite, les ONG ont rejoint le mouvement (…). On a fini par avoir des tentes pour tout le monde et la frontière tuniso-libyenne est devenue un lieu de passage pour ceux qui rentrent dans leurs pays et un lieu de résidence pour ceux qui attendent que la tempête passe pour revenir travailler en Libye, comme avant. »
Des jeunes sans travail
« Tout ceci s’est passé alors que des milliers de Tunisiens sont arrivés à Lampedusa, avec toutes les problématiques que cela a causées« , explique Mgr Lahham. « Je ne parle pas de la dimension juridique ou politique de ce phénomène, ce n’est pas de ma compétence. Mais je parle de la dimension humaine. Ce sont des jeunes au chômage (19% de chômage avant la révolution). Le tourisme occupait 450.000 jeunes qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans travail, le contrôle des frontières s’était affaibli à cause de la situation politique et sécuritaire dans les grandes villes. »
« J’essaie de me mettre dans la mentalité d’un Tunisien: 20.000 Tunisiens sont arrivés dans une Europe, en crise peut être, mais riche tout de même, et ils sont mal reçus, alors que plus de 200.000 (dix fois plus) d’étrangers sont arrivés dans une Tunisie, pas aussi riche que l’Europe, mais surtout qui sort d’une grave crise politique, et les Tunisiens les ont reçus les bras ouverts, leurs ont ouvert leurs maisons, leurs écoles, et ont partagé avec eux leur pain quotidien. Vu de la rive sud de la Méditerranée, où l’hospitalité est à la fois une valeur et un devoir, c’est incompréhensible… tout simplement« , conclut-il. (CtB/Zenit/PA)