Editorial de Pascal André paru dans le « Dimanche Express » n°15 du 17 avril 2011 :
Si les nouveaux médias constituent désormais une composante de la vie de l’homo economicus et demeurent un facteur de développement incontournable, ils ne manquent pas non plus d’effets pervers, notamment lorsqu’ils servent de caisse de résonance aux accusations calomnieuses, aux rumeurs les plus folles et aux actes les plus crétins. Nous en avons encore eu un très bel exemple, le 4 avril dernier, avec le quadruple entartage de Mgr Léonard. Il suffit, en effet, aujourd’hui, de diffuser sur le Net la vidéo de son délit pour sortir de l’anonymat et bénéficier d’une couverture médiatique à faire pâlir d’envie n’importe quel homme politique. Or, ce que ne disent pas les journalistes – qui font leurs choux gras de ce genre d’incident –, c’est qu’il s’agit d’un acte violent, visant à humilier publiquement un individu, et par conséquent punissable par la loi. Et cela, quelles que soient la personne visée et la “cause” défendue. On peut ne pas être d’accord avec l’archevêque de Malines-Bruxelles, mais il y a des façons plus intelligentes et constructives de le lui faire savoir.
Plus inquiétante encore, la médiatisation complètement injustifiée du pasteur américain Terry Jones. S’appuyant sur la liberté d’expression, celui-ci a effectivement mis en scène, le 30 mars dernier, l’autodafé d’une copie du Coran, devant son église de Gainesville en Floride. Aussitôt diffusées sur Facebook et sur YouTube, ces images se sont bien sûr répandues comme une traînée de poudre, entraînant la mort de 24 personnes en Afghanistan, dont sept employés de l’ONU, ainsi que d’importantes manifestations au Pakistan. Le pire, c’est que, fort de son “succès”, ce soi-disant pasteur prépare déjà l’acte II de sa croisade meurtrière contre l’islam. Ainsi, vient-il d’annoncer son intention de faire un procès au prophète Mahomet pour “crimes contre l’humanité“. Une nouvelle provocation, dont les Occidentaux mais aussi les pays musulmans se passeraient bien pour le moment.
On le voit, Internet ne sert pas uniquement à consolider la société, il peut aussi contribuer à son éclatement. Aujourd’hui, il suffit en effet de faire le buzz sur la Toile pour susciter l’intérêt des journalistes et voir ses idées se propager dans l’opinion publique, qu’elles soient
complètement loufoques ou tout simplement nauséabondes. Il faut donc démystifier ce nouveau moyen de communication et relativiser sa puissance démocratique, sans pour autant nier ses nombreux atouts. Car il en a, fort heureusement.
Pascal ANDRÉ
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