Le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a présidé ce dimanche 6 mars une messe à Rome en mémoire de Shahbaz Bhatti. Interviewé la veille par Radio Vatican, le cardinal français a jugé que Shahbaz Bhatti était « un vrai martyr », s’appuyant notamment sur le testament spirituel laissé par le ministre catholique pakistanais des minorités. « Je n’ai plus aucune peur (…). Je ne veux pas la popularité, je ne veux pas de positions de pouvoir : je veux seulement une place aux pieds de Jésus », peut-on ainsi lire dans le testament.
De son côté, selon l’agence missionnaire Fides, la Conférence épiscopale du Pakistan, qui se réunira du 20 au 25 mars, examinera la proposition de présenter officiellement au Saint-Siège la demande de déclarer « martyr » le ministre catholique Shabbaz Bhatti.
Dialogue, compassion, liberté religieuse : l’héritage de Shahbaz Bhatti
« Cela a été une grave perte mais nous chrétiens au Pakistan voulons transformer la mort de Shahbaz Batti en prophétie de Résurrection. Nous sommes dans la douleur mais nous nourrissons une grande espérance. Bhatti a donné sa vie pour sa foi. Ce n’est pas une expérience nouvelle pour l’Eglise et nous savons que son sacrifice portera de nombreux fruits pour nous tous » : c’est ce qu’affirme à l’Agence Fides S.Exc. Mgr Andrew Francis, Evêque de Multan (Punjab) et Président de la Commission épiscopale pour le Dialogue interreligieux au Pakistan. Mgr Francis évoque l’héritage de Bhatti, que les chrétiens pakistanais sont prêts à recevoir. « C’est un homme qui a vécu pour promouvoir les valeurs de l’Evangile avec compassion, unité, en prenant soin de marginalisés. C’est de là que repart notre engagement. Nous sommes appelés à être compatissants avec tous les hommes sans distinction de foi, de race ou de culture surtout au moment du besoin (comme cela a été le cas lors des récentes inondations) afin de donner un signe de fraternité ». « Contempler la vie de Bhatti – conclut l’Evêque – nous donnera plus de courage, plus d’engagement, une fidélité plus vive à l’Evangile, au Pape et à l’Eglise ».
Contre « le fanatisme violent »
Le Père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a également rendu hommage à Shabbaz Bhatti, ainsi qu’au gouverneur musulman du Punjab Salman Taseer. Tous deux ont été assassinés par des fanatiques musulmans le 2 mars 2011 et le 4 janvier 2011 et n’avaient pas renoncé à leur lutte pour la liberté religieuse, « contre le fanatisme violent, et ils en ont payé le prix le plus fort avec leur sang », a confié le Père Lombardi dans l’émission hebdomadaire « Octava Dies » du Centre de Télévision du Vatican.
Après avoir rappelé que ces 2 hommes s’opposaient à la loi sur le blasphème, le Père Lombardi a estimé que même si ces 2 assassinats « nous remplissent d’horreur et d’angoisse pour le sort des chrétiens du Pakistan », ils inspirent en même temps paradoxalement un sursaut d’espérance, « car un musulman et un chrétien sont associés dans le sang versé pour la même cause ».
9 morts de plus
En marge aux cérémonies d’hommage à Shahbaz Bhatti, on apprenait qu’une bombe aurait fait 9 victimes ce 4 mars à la sortie de la grande prière à la mosquée de Nowshera (nord-ouest du Pakistan). La bombe a explosé au moment où des centaines de fidèles sortaient de la grande prière du vendredi, dans une mosquée sunnite de Nowshera, non loin des zones tribales du nord-ouest, bastion des talibans et l’un des principaux sanctuaires des membres d’Al-Qaïda. « Neuf corps nous sont parvenus, dont celui d’un enfant, ainsi que 28 blessés », a déclaré à l’AFP Abdul Hameed Afridi, directeur de l’hôpital Lady Reading, dans la proche ville de Peshawar.
L’attentat n’a pour l’heure pas été revendiqué, mais pourrait être l’œuvre du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), le plus important groupe d’insurgés islamistes. Ces trois dernières années, le TTP a été l’auteur de près de 450 attaques, qui ont fait plus de 4’000 morts.
L’assassinat du ministre des Minorités religieuses Shahbaz Bhatti, le 2 mars dernier, avait été revendiqué par « Tehrik-e-Taliban Pakistan », un mouvement fédérant différentes organisations islamistes et réputé proche d’Al-Qaïda. Le ministre pakistanais a été abattu pour avoir pris fermement position contre la loi sur le blasphème, qui prévoit la peine de mort pour quiconque dit du mal de l’Islam.
(apic/fides/mvl)