UP Les Source Vive Bruxelles : Une paroissienne en Irlande


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UP Les Source Vive Bruxelles : Une paroissienne en Irlande
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
5 min

Ici, c'est un Holly Day, le jour de l'Immaculée et il y a des messes partout. C'est même férié pour certains je crois.

Bref, je vais en venir à ce pour quoi je suis ici. Aujourd'hui, c'était ma deuxième journée complète et j'ai pourtant l'impression de déjà bien connaître les lieux. Assez étrange... Et très agréable ! Les journées sont calmes et sereines. Au sein de l'institution il n'y a aucun stress, aucun cris (enfin si parfois). Une ambiance amicale, douce, tendre. Lorsque j'ai passé la grande porte vitrée pour la première fois, quelque chose d'indéfinissable m'a envahie. Une odeur mais pas seulement. Quelque chose qui se ressent, mais sans l'aide de nos 5 sens.

Ce matin, en passant la porte pour maintenant la troisième fois, j'ai réussi à un peu mieux ressentir cette chose. C'est le tout qui crée ce dont je parle.

Un sentiment de pureté m'apaise. Cela, grâce à ceux qui habitent en ces lieux mais aussi grâce à ceux qui ne font qu'y passer en laissant leur petite trace. Cette chose, je la décrirais comme étant l’Amour. L'Amour de Dieu. Peut-être même une parcelle du paradis. Dieu lui-même. Lorsque je parle, touche, regarde, écoute l'un des résidents handicapés, je pense à Dieu. Pas constamment, mais très souvent. J'ai l'impression de Le voir, de Le sentir, de Le ressentir. Le sentiment d'être portée est plus fort que jamais. Plus que portée même, enveloppée. Contre Lui. Si proche...

Dans cette souffrance continue, dans cette lutte, dans ce combat pour vivre, mais surtout dans ce courage et cette volonté immense pour continuer à avancer je vois Dieu. Jésus qui a souffert sans se plaindre.

Ce matin, j'ai rencontré un nouvel habitant que je n'avais encore jamais croisé. Il a un visage d'une pureté infinie.

Je me suis donc présentée à lui. En lui tenant la main, sa main si douce mais si froide qui ne peut pas bouger, je lui dis d'où je viens ainsi que mon prénom et que c'est un grand bonheur pour moi de le rencontrer. Dans un effort surhumain, son cou se tort, sa langue sort, mais enfin de sa bouche sort son prénom : il s'appelle Christy.

Je l'embrasse sur le front, et sous la tablette de sa grosse chaise électrique j'aperçois un chapelet. Je ne peux m'empêcher de verser une larme. C'est si beau. Je remercie Dieu. Je remercie Dieu de donner à Christy cette force invincible. Cette vie dans ce centre est constamment faite de moments ainsi.

Il y a aussi Philip. Pour qui j'ai un véritable faible. Il a un courage et une détermination qui suffisent à déplacer les montagnes. Pourtant il ne peut pas bouger. C'est contradictoire me direz-vous. Mais non, je m'entends parfaitement. Pour lui, boire une gorgée (de liquide pourtant bien épaissi) est quelque chose qui lui demande un effort que je ne peux décrire. Tous ses muscles se contractent, et cela est le prix qu'il paie pour pouvoir vivre. Pour avancer. Parce qu'il comprend beaucoup de choses. Il souffre constamment, cela se voit et se ressent. Lorsque la douleur est trop grande, une larme coule le long de sa joue, sa bouche contractée est ouverte mais reste pourtant muette. Il nous fixe, de son regard impénétrable, suppliant pour un peu d'aide. Le reste du temps, il ne se plaint pas. Il regarde le ciel en murmurant « Da » et « Mo », ce qui signifie qu'il parle à son père et à sa mère qui sont aux cieux. Je ne sais pas ce qu'il leur dit. Peut-être a-t-il envie de les rejoindre. Mais cependant, il a la force de peu d'autres gens. C'est un battant, l'un des plus beaux que j'aie jamais rencontré.

Nous organisons une pièce de théâtre pour Noël. A Nativity Play. Et les résidents qui le souhaitent y participeront. Philip a décidé de jouer, il est l'un des anges. (Je suis un berger !) Il sourit lorsque nous chantons et cela nous aide et nous motive.

Je ne sais pas pourquoi je ne parle que de lui, mais comme je l'ai dit un peu plus haut, j'ai un faible pour Philip. Je l'aime tant. J'ai envie de l'embrasser. De m'allonger à côté de lui et qu'il m'apprenne à prier. Qu'il m'explique sa force. Qu'il me raconte tout ce que Dieu lui confie. Qu'il me dévoile ses mystères.

Je vais changer de registre. J'ai trouvé un prof d'accordéon. Il est physiothérapeute, photographe et musicien ! Je suis heureuse. C'est fou comme je me sens bien ici. J'ai tant de chance d'être parmi eux. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter un tel cadeau du ciel, mais je remercie Dieu d'avoir éclairé mon chemin. Pourtant, et c'est le moins que l'on puisse dire, je ne suis pas une pratiquante très assidue. Parfois mon lit me semble plus attirant que la messe. Il m'arrive même de dire à certains que je prierai pour eux mais d'oublier...

Alors je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai tant de chance. Peut-être qu'être avec des Anges toute la journée est une sorte de prière. Je ne sais pas. Le sommeil m'assomme. Il est tard et j'ai hâte d'être demain matin pour passer cette grande porte pour la quatrième fois. Bonne nuit !

Jean Vanier m'aide un peu mieux à comprendre ce que je ressens dans son si beau texte : "Lorsque nous regardons Jésus avec amour, Il nous transforme en lui, nous donne son coeur, son amitié. (...) La prison où nous sommes enfermés - prison de sécurité, de confort, d'égoïsme - s’ouvre. Notre regard sur les autres change. Nous voyons leur beauté d'enfant de Dieu parfois très cachée sous les décombres de leurs vies et les handicaps de leur corps. (...) En étant en communion avec le pauvre et le faible, la personne avec un handicap, nous sommes en communion avec Jésus. Alors c'est nous qui sommes guéris par le faible."

Mc/tg/ Diane de Saint-Chéron

Catégorie : Eglise Belgique

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