L’atmosphère était tendue lors de l’audition du supérieur général des Frères de la Charité, René Stockman.
Et la question, mainte fois posée, d’une pleine collaboration avec la justice a encore crispé davantage l’échange avec les parlementaires.
D’emblée le frère Stockman a prononcé les mots (attendus) de « souffrance, consternation et honte », précisant toutefois qu’il était trop facile de s’excuser pour des abus commis par d’autres.
On peut s’étonner de l’audition tardive de ce dignitaire ecclésiastique, mais celle-ci a été retardée par les séjours prolongés à l’étranger de celui-ci, en visite canonique dans des communautés en Afrique et en Asie.
Le religieux a expliqué que l’ensemble de la congrégation s’est doté, en septembre 2010, d’une procédure internationale. Si certains pays avaient déjà adopté des procédures, elles n’en demeuraient pas moins nationales. Tendre vers une formalisation internationale leur paraissait donc plus approprié. Un comité consultatif, étoffé de spécialistes, sera établi, afin de rédiger des directives.
René Stockman a reconnu que, par le passé, ils avaient davantage songé « à protéger la réputation de leurs établissements » qu’à la souffrance des victimes. Le supérieur de la congrégation a souligné que toute forme d’abus est « toujours liée à une forme de pouvoir, un non respect de la dignité de l’autre ». Il n’a pas cherché à minimiser les actes d’abus, voyant en eux « l’humiliation la plus profonde », puisque l’être humain est ramené à un objet.
Concrètement, le maximum doit être fait pour aider et accompagner la victime, avec l’aide de thérapeutes professionnels.
La position à adopter face aux auteurs d’abus sexuels est très claire, puisque ceux-ci, par de tels actes, s’excluent de la mission de l’organisation. Si aucune circonstance atténuante ne peut être évoquée, René Stockman a néanmoins précisé qu’il convient d’établir une distinction entre la personne qui commet l’acte et l’acte lui-même, une « pondération difficile à faire et à comprendre ». Ce n’est pas parce que l’on dénonce l’acte que la personne qui le commet doit être abandonnée, estime-t-il.
En cas de suspicion d’abus sexuels, la personne est déplacée afin de ne plus être en contact avec des jeunes (une nouvelle tâche administrative peut ainsi lui être attribuée) et un traitement thérapeutique lui est imposé.
Evoquant la formation des frères, le supérieur de la congrégation a souligné l’importance accordée à la sexualité, précisant que, pour les religieux, il s’agit de « l’essence même de leur existence ». De nombreux frères trouvent pleinement sens au célibat librement consenti. La congrégation et l’organisation veulent développer une politique préventive.
Les parlementaires sont longuement revenus sur un cas (dit de Roeselare) datant de la fin des années 90, en Flandre orientale, posant également de nombreuses questions sur ses relations avec Rik Devillé (présent à l’audience), Norbert Bethune et l’association Droits de l’homme dans l’Eglise. René Stockman a affirmé n’avoir jamais reçu les dossiers évoqués par Rik Devillé, voyant dans ces accusations une forme de « chantage ». A la question de savoir quelle serait la logique d’une association de défense des victimes, le supérieur de la congrégation y voit une « intimidation ou des pressions au sein de l’Eglise ». Pas uniquement par rapport aux Frères de la Charité, mais également au sein d’autres ordres.
Concernant la question d’un possible dédommagement, le supérieur de la congrégation a dit accepter les décisions du droit civil. Au sein du droit ecclésiastique, certaines procédures doivent également être suivies. René Stockman propose qu’un groupe de spécialistes soit constitué et payé via des instituts ou des congrégations, ainsi « le dédommagement aiderait réellement les personnes ». Ceci afin d’éviter que les gens n’aient l’impression de ne pas avoir suffisamment reçu (comme en Irlande). Il convient d’étudier la meilleure formule. « Les dommages subis doivent être dédommagés d’une bonne manière et compensés, pas uniquement par de l’argent, mais par une aide effective. »
Quant à savoir si la dénonciation d’un abuseur auprès de la Justice serait effective si un nouveau cas se produisait, le supérieur a affirmé que la congrégation respecterait la réglementation de chaque pays.
Ctb/at