Accueillir un enfant de Tchernobyl durant l’été


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Accueillir un enfant de Tchernobyl durant l’été
Family.
Par Natacha Cocq
Publié le - Modifié le
5 min


Si la catastrophe nucléaire a eu lieu il y a 31 ans, aujourd’hui, la population qui vit aux alentours du site met encore sa santé en péril. C’est pourquoi l’ASBL Les enfants de Tchernobyl propose aux plus jeunes de changer d’air en venant séjourner quelques semaines en Belgique.

Cancers de la thyroïde, troubles neurologiques, malformations congénitales et fœtales, altération du système immunitaire et de la fonction de reproduction, affections rénales... Aujourd’hui, les personnes qui résident près des lieux de la plus grosse catastrophe nucléaire du XXe siècle en subissent encore les conséquences. Le responsable? Le césium 137, un isotope radioactif qui constitue la source de radioactivité des déchets des réacteurs nucléaires. Et qui a, malheureusement, une très longue durée de vie.

Face à la toxicité de ce césium 137, ce sont les enfants qui sont les plus vulnérables. Car en pleine croissance, ils captent quatre fois plus les particules radioactives que les adultes. Un problème que l’association Les enfants de Tchernobyl a décidé de prendre à bras-le-corps depuis le début des années 90. Elle propose à des familles belges d’accueillir durant les grandes vacances un enfant qui vit dans l’une des régions contaminées par l’accident nucléaire. Quand on sait qu’un séjour d’un mois permet à ces enfants d’éliminer 30% du césium radioactif contenu dans leur organisme, on comprend pourquoi certaines familles n’hésitent pas une seconde à accueillir un nouveau membre chez elle pour un ou deux mois.

Natacha COCQ

Vous désirez prendre contact avec l’ASBL? 0497/11 81 80
www.enfants-de-tchernobyl.be - info@enfants-de-tchernobyl.be

Témoignage de parents d’accueil: "On partage notre quotidien avec eux"

La famille Mercy trépigne d’impatience. Cet été, grâce à l’ASBL Les enfants de Tchernobyl, elle accueillera pour la septième fois Kseniya, une petite fille biélorusse qui va poser ses valises chez elle pour un mois.

Impossible de ne pas se sentir à l’aise quand on arrive dans la maison des Mercy à Rhisnes, dans la Province de Namur. Des bricolages suspendus aux murs, des jouets de toutes les couleurs et des hôtes au sourire plus que communicatif. Thibaut est contrôleur des circulations à la SNCB, Fanny est aide familiale. C’est après avoir entendu parler de l’ASBL que le couple a décidé d’accueillir un "enfant de Tchernobyl" au sein de son foyer. Déjà parents d’une petite fille à l’époque, et grâce aux renseignements donnés par les membres de l’association, ils étaient bien conscients de ce qui les attendait. "Ces enfants ne vivent pas du tout comme chez nous. Ils ne sont pas éduqués de la même manière, ont d’autres habitudes, et en plus ne parlent pas notre langue." Thibaut se rappelle avoir reçu un petit cahier avec les expressions russes les plus courantes pour pouvoir un minimum communiquer avec leur future pensionnaire d’un mois.

Le jour de la rencontre

Les membres de l’association invitent les parents d’accueil à se retrouver tous ensemble pour recevoir les dernières informations. Cette année, c’est à l’Abbaye de Floreffe qu’aura lieu la rencontre avec les petits arrivants. Ensuite, selon qu’ils ont déjà accueilli un enfant ou non, les parents sont emmenés dans deux salles différentes.

Thibaut se rappelle de ce premier jour comme si c’était hier:"On connaissait juste son nom, son âge - 8 ans - et son adresse. On était un peu anxieux. Ils appellent tour à tour les familles. La première rencontre avec Kseniya était un moment magique, parce qu’en plus on a été appelés les derniers. Les enfants sont vraiment briefés. Ils sont accompagnés par des interprètes de l’ASBL. Nous, on prend notre petit dictionnaire pour leur dire bonjour. Quelques minutes après, on reçoit les documents qui servent à les faire enregistrer à la commune, et on emmène ‘notre’ enfant. Puis l’aventure commence."

S’adapter à une autre famille

L’arrivée à la maison n’est pas toujours évidente, parce que la vie et les habitudes des Biélorusses sont très différentes des nôtres. "Là-bas, les parents ne mangent pas avec les enfants. La toilette est parfois à l’extérieur. Ils vivent comme nous il y a 50 ans. Les maisons sont très petites, quasiment une pièce ou deux. Mais Kseniya s’est vite habituée même si ce n’est pas évident de se retrouver à plus de 2.000 kilomètres de chez soi chez des gens qui ne parlent pas votre langue. Elle est très débrouillarde et a du caractère. Donc même quand elle ne parlait pas, elle arrivait à se faire comprendre par le dessin - elle est très douée - et le mime." Les enfants reçoivent également un petit dictionnaire de la part de l’association pour arriver à se faire comprendre malgré la barrière de la langue.

Forcément, des questions naissent, par rapport à la nourriture par exemple: "Est-ce qu’on doit l’obliger à manger ce qu’elle n’aime pas? Si pas, notre fille ne comprendrait pas pourquoi elle est obligée et l’autre pas. Mais il ne faut pas les traumatiser non plus."

Un enrichissement mutuel

Aujourd’hui, les Mercy s’apprêtent à accueillir Kseniya pour la septième année consécutive. Elle s’entend à merveille avec leur fille aînée qui a le même âge, et avec leurs deux garçons qui sont venus agrandir la famille, âgés de 6 et 4 ans. Ils se connaissent tous bien. L’adolescente biélorusse parle mieux le français, et a noué de belles relations avec ses parents et frères et sœurs d’accueil, mais également avec les grands-parents. "C’est un enrichissement autant pour elle que pour nous. C’est une personne qui voit la vie différemment. Elle dit qu’on est toujours en train de courir ici, eux sont beaucoup plus zen là-bas." Ensemble, ils partent en vacances et font des visites. "Cette année, on compte emmener notre petite artiste au Louvre, et voir la tour Eiffel, parce qu’elle en rêve." Et grâce aux réseaux sociaux, Kseniya peut communiquer avec ses parents. "Mais c’est mieux de ne pas le faire tous les jours, parce que quand elle était plus petite, ça ne l’aidait pas d’avoir des contacts avec eux régulièrement."

Une expérience plus que positive donc pour Thibaut et Corinne. "Il faut se lancer mais en gardant bien en tête que c’est un enfant qui n’est pas d’ici. Il ne faut pas s’imaginer qu’on accueille un copain de classe de ses propres enfants. Il faut faire des efforts et s’adapter. Mais ça ne chamboule pas la vie, il suffit de faire quelques changements pour que ça se passe bien." Et quand ils comparent le taux de radiation au césium 137 de Kseniya au début et à la fin de son séjour, les parents ne peuvent contenir leurs sourires: "On voit qu’on a contribué à sa santé, et c’est le plus beau des cadeaux."

N.C.

Catégorie : L'actu

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