Chrétiens au Moyen-Orient: oser parler des persécutions


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Chrétiens au Moyen-Orient: oser parler des persécutions
Par Christophe Herinckx
Publié le - Modifié le
4 min

Ce mardi 5 décembre, un séminaire sur la situation et l'avenir des chrétiens au Moyen-Orient s'est tenu au Parlement européen, à Bruxelles. Cette rencontre était co-organisée par la Lieutenance belge de l'Ordre du Saint-Sépulcre. Parmi les différentes interventions, on retiendra en particulier celles de Monseigneur Al-Naufali, archevêque chaldéen de Bassorah (Irak) et de Monseigneur Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem.

C'est en présence d'un public nombreux diversifié que s'est tenu, au Parlement européen, un séminaire consacré à la situation dramatique des chrétiens au Moyen-Orient, à la suite des terribles persécutions commises par le groupe terroriste DAECH, en Syrie et en Irak. Cette rencontre était organisée par le Parlement européen et la Lieutenance belge de l'Ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, avec la participation de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE), de l'Aide à l'Eglise en Détresse (AED), qui apporte un soutien concret, sur le terrain, aux communautés catholiques présentes dans tout le Moyen-Orient.

Pendant deux heures, de nombreuses interventions se sont succédé: celles de Monseigneur Habib Hormuz Al-Naufali, archevêque chaldéen de Bassora (Basra) en Irak, de Monseigneur Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem, de Mairead McGuinness, vice-présidente du parlement européen, ou encore celle de John Pontifex, de l'AED, auteur du rapport "Persécutés et oubliés?". Ce dernier a effectué une visite aux communautés chrétiennes de Syrie, en 2016, où il a pu constater l'ampleur de la persécution des chrétiens par DAECH, et la volonté du groupe extrémiste d'éliminer tout signe de la présence chrétienne dans cette région.

Plusieurs députés européens, représentant différents groupes parlementaires, étaient également présents à cette rencontre. Certains d'entre eux ont noté leurs efforts pour venir en aide aux chrétiens d'Irak et de Syrie, à travers différentes propositions de résolution défendues au Parlement européen, et appelant l'Europe à s'engager davantage en faveur de ces communautés. Il s'agit, en particulier, après la défaite de DAECH, d'aider à la reconstruction du pays.

Tolérance, protection, contruction

L'intervention de la députée européenne Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre de la République française, a été particulièrement remarquée et applaudie. En soulignant le fait que les religieux et les politiques avaient pour vocation d'agir avec des moyens différents, elle a lancé un appel solennel à la liberté de pensée et de religion, à la tolérance religieuse, condition indispensable pour la paix. Elle a également souligné la responsabilité des parlementaires européens. "Nous avons un problème dans ce Parlement", a-t-elle lancé. "Nous acceptons de nous dresser, de compatir, d'essayer d'agir lorsqu'il s'agit de massacres, de persécutions qui concernent des musulmans, nous luttons contre l'antisémitisme, et tout ceci est très bien, mais quand il s'agit des chrétiens, on a l'impression qu'il y a une forme de complexe, et qu'on n'ose pas en parler". Madame Alliot-Marie a encore souligné que le débat sur les chrétiens d'Orient, au Parlement européen, vient seulement d'être lancé il y a... deux semaines.

L'archevêque chaldéen de Bassorah, Monseigneur Al-Naufali, métropolitain pour tout le sud de l'Irak, a ensuite décrit la situation des chrétiens dans ce pays à travers quelques phrases-choc. La situation des chrétiens dans la plaine de Ninive vivent dans une situation de conflit permanent, sans recevoir aucune aide du gouvernement irakien. Les prédicateurs musulmans radicaux les considèrent comme impurs. Les chrétiens, par ailleurs, sont considérés comme des citoyens de seconde zone en Irak, et font fréquemment l'objet de vexations, voire de tortures.

Monseigneur Al-Naufali a dès lors avancé plusieurs propositions pour lutter contre la discrimination dans son pays: protéger les différentes cultures, éduquer les populations, ou encore criminaliser ceux qui financent ou encouragent le radicalisme religieux.

Prenant ensuite la parole, Monseigneur Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat de Jérusalem, a dressé un portrait des chrétiens en Terre sainte. Il a souligné le caractère "compliqué" de leur situation, largement minoritaire. Si leur liberté de culte est, globalement, respectée par les autorités israéliennes comme palestiniennes, il n'en va pas toujours de même de la liberté de conscience. Ainsi, en territoire palestinien, une femme chrétienne ne pourra épouser un homme musulman sans se convertir à l'islam.

Pour Monseigneur Pizzaballa, le futur de cette région réside dans la citoyenneté. D'un point de vue politique, la situation est très instable, a-t-il encore souligné, et les chrétiens sont fréquemment les otages d'un "événement" toujours possible, ou, au contraire, de décisions politiques qui ne viennent jamais.

L'archevêque a enfin souligné qu'il est certes important de condamner les persécutions des chrétiens au Moyen-Orient - sans oublier que de nombreux musulmans vivent également de grandes souffrances -, mais qu'il est encore plus important de comprendre d'où vient le radicalisme, de faire face à la réalité et de construire, ensemble, le futur, Juifs, chrétiens et musulmans.

 

Christophe Herinckx

Photos Mgr Pizzaballa; Michèle Alliot-Marie : (c) Cathobel

 

 


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