CEDH: une décision clé sur la gestation pour autrui


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CEDH: une décision clé sur la gestation pour autrui
Par Christophe Herinckx
Publié le - Modifié le
4 min

Le mardi 24 janvier 2017, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu un arrêt dans une affaire difficile, qui opposait les autorités italiennes à un couple ayant eu recours à la gestation pour autrui. La Cour européenne a confirmé la légitimité du retrait, par les autorités italiennes, de la garde de l'enfant par le couple concerné. Le couple n'a en effet aucun lien biologique avec l'enfant, né d'une mère porteuse russe, à partir de gamètes de tiers inconnus.

Le début de l'affaire "Paradiso et Campanelli contre Italie" date de 2011, lorsque Mme Paradiso a ramené un enfant en Italie, né d'une mère porteuse en Russie. L'année précédente, Mme Paradiso s'était rendue en Russie, avec le liquide séminal de son époux, M. Campanelli, afin que soit fécondé un ovule provenant d'une tierce personne inconnue. Deux embryons ont ensuite été implantés dans ce que l'on appelle communément une "mère porteuse", contre une forte somme d'argent.

A la naissance de l'enfant, cette dernière a signé une déclaration reconnaissant le couple italien comme parents légitimes du nouveau né. Un acte de naissance falsifié a alors été établi en Russie, permettant à Mme Paradiso d'emmener l'enfant en Italie.

Les autorités italiennes, ayant eu connaissance de la fraude, ont ensuite décidé de retirer l'enfant à la garde du couple, un test ADN ayant en outre établi que M. Campanelli n'était pas le père biologique de l'enfant. Puisqu'il n'existait aucun lien biologique entre le couple et l'enfant, et que les conditions internationales pour une procédure d'adoption n'étaient pas remplies, l'enfant a été placé dans une famille d'accueil.

Au termes d'une procédure déjà longue, le couple a alors déposé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, contre la décision de l'Etat italien. Et ce afin de pouvoir, malgré tout, adopter l'enfant, arguant d'un préjudice moral grave pour les requérants comme pour l'enfant.

Or, l’arrêt de la Grande Chambre de la CEDH, rendu ce 24 janvier, a confirmé la décision des autorités judiciaires italiennes. l'arrêt, qui devrait faire jurisprudence, clarifie le fait qu’il n’existe pas d’obligation de reconnaître des liens de filiation en l’absence de liens biologiques. La Cour européenne réaffirme la compétence exclusive de l'État pour reconnaître une relation juridique parent-enfant, y compris dans les cas de gestation pour autrui, et les prérogatives de l'État dans la sauvegarde de son ordre public.

Réaction de la COMECE

La Cour confirme également que les États membres bénéficient d'une large marge d'appréciation sur les questions sensibles sur le plan éthique. La cour a par ailleurs conclu que l’affaire en question ne relevait pas de la "vie familiale".

La COMECE, la Commission des épiscopats de la Communauté européenne, a salué cette décision, et rappelé son opposition à l’instrumentalisation des mères porteuses. Elle a également insisté sur l’importance cruciale de protéger les enfants de certaines pratiques illicites, dont certaines relèvent du trafic d’êtres humains, comme le reconnaît la Cour dans cet arrêt.

Le groupe de réflexion de la COMECE sur la bioéthique a publié un avis sur la gestation pour autrui qui souligne à nouveau la nécessité de protéger les plus vulnérables contre des pratiques dangereuses.

Une situation douloureuse

Le "cas d'espèce"qui, en l'occurrence, a été jugé par le Cour européenne est particulièrement douloureux. L'enfant, en effet, est né non pas de parents biologiques, mais de matériaux génétiques humains, ce qui le prive de "racines généalogiques" identifiables. or, même dans le cas d'un adoption, on sait qu'il est essentiel, pour le développement personnel de l'enfant, de pouvoir connaître ses origines. Dans l'affaire présente, cela s'avère tout simplement impossible. Si le désir d'enfant est légitime, dans le chef d'un couple, et si différentes possibilités existent, l'éthique ne doit-elle pas guider certaines décisions? Certaines décisions queprennent des adultes sont-elles vraiment compatibles avec le bien de l'enfant à naître?

L'éthique n'est pas juste un mot, mais une réalité qui renvoie à des situations réelles. Certains actes, guidés par le seul critère du développement et de la réalisation personnels - comme le fait de vouloir être parents - peut avoir de graves conséquences sur la vie d'un enfant, mais aussi d'autres adultes...

C.H., avec Communiqué de presse de la COMECE.

Catégorie : International

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