A Baelen et Membach, une tradition venue d’Allemagne prend place à chaque fête de l’Epiphanie: les Chanteurs à l’étoile circulent de maison en maison pour annoncer la naissance de Jésus. L’argent collecté à cette occasion finance une œuvre missionnaire.
Les quelque cinq mille habitants des villages de Baelen et de Membach, situés à proximité des territoires germanophones de Belgique, vont avoir ce dimanche une drôle de visite: les Rois mages. Avec leurs longues robes et capes dans des tissus colorés, les enfants s’habilleront comme Melchior, Gaspard et Balthazar, pour se rendre de maison en maison. A chaque étape, les petits Rois mages délivrent un message: « C’est à Bethléem que Jésus est né… » Cette chansonnette que les enfants entonnent pendant deux minutes porte ses fruits: les personnes rencontrées sont émues par la conviction de leurs visiteurs. Parfois, elles demandent même une reprise de la chanson, ce que les enfants font de bon cœur.
A quelques jours de l’Epiphanie, nous avons rencontré ces Chanteurs à l’étoile pour le village de Membach. Certains y participent depuis plusieurs années, d’autres feront cette tournée des rues pour la première fois comme Lea ou Pierre. « Heureusement, nous pourrons répéter la chanson avant la messe« , se rassurent-ils. Ces nouveaux ne sont pas inquiets de la démarche d’aller frapper à chaque maison, puisqu’ils seront avec leurs copains en petits groupes. Les chanteurs à l’étoile les plus anciens soulignent pour leur part « l’impatience de partager cette joie avec ceux du village« . Quelle joie? « La Bonne nouvelle, Jésus est né!«
Une œuvre collective
Depuis un certain temps, les grands-mères et les parents préparent les 21 costumes nécessaires. Ces habits, dont les enfants sont fiers, donnent une valeur supplémentaire à la démarche. Le jour même de l’Epiphanie, la journée commence par une messe célébrée alternativement à Baelen ou Membach. Dans ces deux villages voisins, une vingtaine d’enfants sont inscrits pour sillonner les rues et proclamer la Bonne Nouvelle. Les Chanteurs à l’étoile sont déjà habillés en Rois mages pendant la célébration. Le prêtre célébrant explique aux fidèles la mission qui est confiée aux enfants pour les prochaines heures, avant de les envoyer sonner aux portes.
En plus de leurs costumes, les Chanteurs à l’étoile sont équipés de tirelires et de craies, qui sont bénies pendant la messe. La craie sert à indiquer quelle maison a été bénie par la présence des Rois mages en ce dimanche de l’Epiphanie. Les tirelires ont un sens important pour ces jeunes chanteurs, comme le raconte Lisa: « C’est bien que nous puissions aider les enfants dans d’autres pays! » Damien ajoute: « Surtout que l’argent vient de tout le village! » Chaque année, la collecte sert à financer une cause définie par Missio. Nadia se souvient d’une visite assez émouvante: « Le monsieur qui avait ouvert la porte nous explique qu’il n’a pas d’argent. Il a quand même donné un petit quelque chose. » C’est d’ailleurs tout ce que les chanteurs demandent dans leurs ritournelles: « Rien qu’un petit sou nous contentera ».
Par des enfants, pour d’autres enfants
L’argent que les habitants offrent aux enfants ne sert donc vraiment pas à s’acheter des friandises. Grâce à ce montant, cette année, le projet scolaire de Kota Omuo Ekiti au Nigeria pourra se mettre sur pied. Il y a deux ans, la somme récoltée par les Chanteurs à l’étoile finançait un projet au Burkina Faso, pays dont est originaire le papa de Damien. Cette collecte avait donc une importance particulière pour lui.
Deux villages qui se mobilisent pour aider les enfants d’autres pays, cela pourrait sembler un peu maigre. En fait, la démarche des Chanteurs à l’étoile est extrêmement développée en Allemagne, en Suisse romane et dans bien d’autres régions. Armelle Griffon explique même que « chaque année, des enfants du Gabon soutiennent des projets au Népal, des enfants en Corée soutiennent ceux du Liban… » L’universalité des Chanteurs à l’étoile a sans doute contribué à ce que cette action de solidarité soit reconnue comme élément du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Selon la définition de l’organisation des Nations Unies pour l’éducation, c’est une pratique issue de la tradition, qui contribue à la cohésion sociale.
Avec le sourire
Revenons à Membach. Vera Scholl, la coordinatrice de cette petite troupe, explique que les Chanteurs à l’étoile se sont mis en place il y a dix ans à l’initiative du curé de l’époque, lui-même originaire de la région germanophone. D’année en année, il est certes difficile de renouveler l’équipe des chanteurs, âgés de cinq à douze ans environ, quand certains quittent l’école primaire. Vera Scholl reste « stupéfaite de l’enthousiasme et de la conviction des enfants dans cette Bonne nouvelle qu’ils ont claironnée dans les rues« . Loura ne la dément pas en racontant combien « c’est chouette de mieux connaître ma rue, de croiser des gens avec le sourire…«
A Baelen comme à Membach, la démarche d’aller de maison en maison est évidemment facilitée par la taille raisonnable des villages. Cela renforce la convivialité entre habitants. Certains donnent même aux enfants, en plus des billets dans la tirelire, quelques chiques qui seront partagées en fin de journée. Mais il arrive aussi que l’accueil ne se fasse pas ou qu’il reste glacial. Certains petits chanteurs se souviennent d’un monsieur qui leur a littéralement claqué la porte au nez quand ils chantaient leur chanson de la Bonne nouvelle. Parfois, les enfants voient de la lumière dans une maison dont la porte reste définitivement close. Cela ne les empêche pas d’entonner « C’est à Bethléem que Jésus est né… » Le fait d’être en petits groupes les motive à continuer jusqu’au bout de la rue, avant de se rassembler autour d’une bonne soupe chaude.
Anne-Françoise de BEAUDRAP