L'évacuation de milliers de rebelles et de civils d'Alep a été retardée et des incertitudes demeurent sur cette opération qui pourrait marquer la fin de plus de quatre ans de rébellion dans la deuxième ville de Syrie. Malheureusement les bombardements russes ont repris.
La mise en oeuvre de l'accord russo-turc conclu la veille était censée débuter à l'aube, mais les opérations d'évacuation n'avaient toujours pas débuté plus de trois heures plus tard, selon des journalistes de l'AFP. Les raids aériens et les bombardements intenses ont semé la panique aujourd'hui parmi les habitants d'Alep qui cherchaient éperdument un abri, après la suspension de cet accord sur l'évacuation des dernières poches rebelles dans la deuxième ville de Syrie.
Les violences entre forces prorégime et insurgés ont repris de plus belle après une pause de plusieurs heures qui devait permettre aux milliers de civils affamés et désespérés de pouvoir sortir de la poignée des quartiers rebelles encore aux mains des rebelles. Ce nouvel embrasement a poussé des habitants terrifiés à fuir dans les rues à la recherche d'un abri. "Environ 100.000 personnes sont encore piégées sur un territoire de 5 km carrés" à Alep, a affirmé Médecins du Monde.
L'accord d'évacuation avait été annoncé après le tollé international suscité par des informations selon lesquelles au moins 82 civils auraient été tués dans les quartiers repris par l'armée, selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme. La Commission d'enquête sur la Syrie de l'ONU a par ailleurs indiqué que des groupes rebelles empêcheraient des civils de quitter les quartiers assiégés et s'en serviraient comme boucliers humains. Au total, plus de 465 habitants dont 62 enfants, ont péri à Alep-Est, selon l'Offçice Syrien des Droits de l'Homme (OSDH), depuis le 15 novembre, début de l'offensive des prorégime qui contrôlent désormais 90% de la ville. Côté gouvernemental, on avance le chiffre de 142 civils tués par les tirs rebelles.
Alors que la communauté internationale est jusqu'à présent restée impuissante à stopper ce drame humanitaire, Washington et Paris ont appelé à l'envoi d'observateurs internationaux pour superviser une éventuelle évacuation.
Selon l'agence Afp, la reprise totale d'Alep, rendue possible par le soutien de la Russie, permettra au régime de Bachar al-Assad de contrôler les cinq plus grandes villes de Syrie, avec Homs, Hama, Damas et Lattaquié. En Iran, autre allié fidèle du président syrien, des responsables ont salué la "libération" d'Alep "des terroristes". Et pour le général Yahya Safavi, haut conseiller du guide suprême, son pays est désormais "la première puissance de la région".
Soumis depuis quatre semaines à de violents bombardements aériens et à l'artillerie, les rebelles ont perdu la quasi-totalité de leur ancien bastion d'Alep-Est conquis en 2012 et sont désormais cantonnés surtout dans le grand quartier d'al-Machad. Incapable d'arrêter la machine de guerre du régime de Bachar al-Assad, la communauté internationale a tenté jusqu'à présent en vain d'y stopper le drame humanitaire. En quatre semaines, l'offensive a coûté la vie à plus de 463 civils à Alep-Est selon l'OSDH, tandis que 130 civils étaient tués par des tirs rebelles à Alep-Ouest.
Face à ce drame humanitaire, le pape François a écrit au président syrien à Bachar al Assad pour lui demander de respecter le droit humanitaire. C'est le cardinal Mario Zenari, nonce apostolique à Damas, qui a remis la lettre du pape au président syrien. Dans cette lettre, le pape renouvelle, au dirigeant syrien mais aussi à la communauté internationale, son appel "à la fin de la violence et à une résolution pacifique des hostilités, condamnant toute forme d’extrémisme et de terrorisme de quelque côté qu’elles puissent venir ". Le pape appelle aussi "à faire en sorte que le droit international humanitaire soit pleinement respecté en ce qui concerne la protection des civils et l’accès à l’aide humanitaire".
Le dimanche 11 décembre, au cours de l’Angélus, François avait, une nouvelle fois, lancé un appel pour Alep, demandant "l’engagement de tous face à un choix de civilisation: non à la destruction, oui à la paix, oui au peuple d’Alep et de la Syrie", avait exhorté le pape.
Rappelons que le conflit en Syrie a fait depuis mars 2011, plus de 310.000 morts et jeté hors de leurs foyers plus de la moitié de la population.