Le Comité de réconciliation nationale en Irak, qui regroupe toutes les composantes religieuses de l’Irak, était à Bruxelles hier pour continuer la préparation de la période post-Daesh. L'un des membres de ce comité, le patriarche Louis Raphael I Sako, archevêque chaldéen de Bagdad, a fait part de ses espoirs.
Lors de cette conférence au Parlement européen, le Comité Suprême de Réconciliation Nationale en Irak (dont les travaux sont facilités par la Communauté de Sant’Egidio) a fait le point sur la situation du pays qui n’est pas encore sorti de la tourmente. Après une éventuelle libération des terroristes de Daesh de Mossoul et du reste du territoire, la reconstruction des villes et de l’infrastructure détruites, le redressement de l’économie dévastée et surtout la réconciliation des différentes composantes de la population s’annoncent comme un chantier herculéen. Mais il semble que d’importants leaders irakiens veulent s’y mettre ensemble !
Parmi ces derniers, le patriarche Louis Raphael I Sako, archevêque chaldéen de Bagdad. "Nous nous rejoignons dans notre volonté de vivre en liberté comme concitoyens irakiens, groupes majoritaires et minorités tous ensemble", a-t-il déclaré. "Nous pouvons apprendre un tas de choses de l’exemple européen et nous devons préparer ensemble et de façon consensuelle quel sera notre ‘roadmap’ pour la période post Daesh", a ajouté le patriarche qui garde espoir tout en restant très lucide. "La reconstruction ne peut pas tarder, si nous voulons éviter que tout talent s’enfuit du pays."
Une crise intellectuelle profonde aussi...
Les dévastations en Irak sont indescriptibles. Selon le représentant des groupes religieux sunnites au Comité Suprême du Réconciliation Nationale, le cheikh Mahmood Khalaf Jarad Al-Isawi, "C’est comme si la plaine d’Al-Anbar en général et ma ville natale, Falloujah, en particulier avaient souffert d’un tremblement de terre : tout est détruit". Ce qui empêche de faire rentrer les milliers de réfugiés chez eux. Le grand-imam de la mosquée Abdou Khadir Djeilani à Bagdad a de son côté proposé une idée originale : que chaque pays européen puisse financer la reconstruction d’une ville…
Non seulement les villes, routes, ponts, hôpitaux et écoles devront être reconstruits, mais il faudra aussi reconstruire les liens de confiance entre les communautés formant la mosaïque qu’était l’Irak de jadis. "Nous ne devons pas seulement vaincre Daesh militairement sur le terrain, a souligné le cheikh shiite Azeez Raheem Gatea, nous devons aussi refouler les discours de la terreur. Bien qu’étant un des berceaux de la civilisation humaine, la crise intellectuelle est immensément profonde et nous avons, comme leaders religieux, une grande responsabilité dans la lutte contre l’idéologie du mal qu’est celle de Daesh. "
Les doutes des Yézidis
Pour autant, malgré le respect mutuel, la condamnation conjointe de Daesh et la volonté des leaders religieux d’œuvrer ensemble pour la réconciliation, des doutes subsistent. Le leader religieux yézidi par exemple, Breen Tahseen, craint que la période post Daesh ne soit pas plus simple que celle avant la libération. Selon lui, "Il faut absolument que la plaine de Ninive et Sinjar – le territoire historique où vivait la minorité yézidi – soit administrée sous supervision de la communauté internationale." Un point de vue partagé par chrétien dans la salle qui a demandé : "Combien de chrétiens n’ont pas été tués avant l’arrivée de Daesh en 2014 ?" Mais pas par les responsables gouvernementaux au Comité Suprême de Réconciliation Nationale qui ont souligné la capacité irakienne de libérer le pays et de gérer sa diversité après cette libération. "Nous avons besoin d’assistance militaire pour combattre Daesh, parce que cette idéologie de l’obscurité est une menace pour le monde entier", a dit l’ancien ministre et parlementaire Kahtan Al-Awadi Al-Jibouri, installé par les autorités irakiennes comme Président du comité. "Nous avons aussi besoin de l’humanité de la communauté internationale pour la reconstruction du pays. Mais nous n’avons pas besoin de supervision internationale en période post Daesh."
Benoit LANNOO