Burundi: le pouvoir vacille


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Burundi: le pouvoir vacille
Par Anne-Françoise de Beaudrap
Publié le - Modifié le
3 min

Burundi-emeutes

Ce mercredi 13 mai, plusieurs sources militaires disent prendre la situation en main au Burundi, pour renverser le président Pierre Nkurunziza. L'annonce de son intention de briguer un troisième mandat a profondément scindé la société burundaise.

Selon les informations recueillies par les médias occidentaux, quelques 300 manifestants auraient réussi à se rassembler sur la place de l'indépendance de la capitale. Ils ont très vite été dispersés par la police, à coup de gaz lacrymogènes. Dans le même temps, sur une radio privée, le Général Godefroid Niyombaré, un haut gradé de l'armée burundaise, déclarait : "Observant avec désolation les violences, le cynisme qui a caractérisé Pierre Nkurunziza, les forces de sécurité décident de prendre la destinée du pays en main, Nkurunziza destitué" Les militaires et manifestants ont profité de l'absence du président, qui participe à un sommet est-africain, pour procéder à ce qui ressemble à un coup d'Etat dans le pays.

"Un problème politique, pas ethnique"

Consolata Baranyizigiye1Pour comprendre le contexte de ce pays, notre correspondant Benoît Lannoo a rencontré Consolata Baranyizigiye, coordinatrice de la Commission Episcopale Justice et Paix au Burundi. Extrait de son analyse (à lire dans le journal Dimanche n°19): Malgré la mise en garde de l’opposition et de la société civile dont la Conférence des évêques catholiques du Burundi, ainsi que la communauté internationale tout entière, l’ancien leader des rebelles Pierre Nkurunziza a annoncé fin avril qu’il briguait un troisième mandat comme président de la République. En quelques mois, la question du troisième mandat a profondément divisé la société burundaise. Et malgré les interdictions et la fermeture de toutes les stations de radio sauf celle du gouvernement, les opposants continuent à manifester chaque jour.

Une situation qui a entraîné la mort d’une vingtaine de personnes, quelques centaines de blessés et surtout la fuite de plus de 35000 réfugiés, partis se mettre à l’abri dans les pays voisins. Ce qui ne manque pas d’inquiéter ces derniers et les Nations Unies qui craignent que ce conflit interne ne dégénère et n’embrase toute la région, déjà fort fragilisée.

Promesses non tenues

La Belgique en tout cas vient de décider de ne pas verser 3 des 5 millions d'euros destinés à soutenir la police burundaise, comme celle-ci semble être infiltrée par ceux qu’on appelle les « Imbonerakure », c’est-à-dire les jeunes du parti majoritaire, le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces pour Défense de la Démocratie (CNDD-FDD), que certains n’hésitent pas à qualifier des « milices dangereuses ».

Après un séjour en Belgique, Consolata Baranyizigiye, coordinatrice de la Commission Épiscopale Justice et Paix au Burundi, n’osait pas prédire comment la situation allait évoluer. « Ce qui est nouveau, selon elle, c’est que cette division affecte aussi le parti majoritaire : plusieurs leaders du CNDD-FDD ont dénoncé le troisième mandat, mais ils ont tous été écartés entre temps. Le conflit n’est en effet pas ethnique, mais purement politique. »

Pas de doute que ce troisième mandat va à l’encontre de l’accord d’Arusha d’août 2000, qui a mis fin à la guerre civile éclatée après l’assassinat du président élu Melchior Ndadaye en 1993. Cet accord stipule que le Président de la République « est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels. » Mais la constitution approuvée par après par référendum semble moins claire sur ce point et les supporters de Nkurunziza argumentent qu’il a été élu en 2005 par le Parlement et se présentera fin juin donc pour une seconde fois au suffrage universel des Burundais.

Qu’est-ce qui pousse le CNDD-FDD à s’opposer obstinément à l’accord d’Arusha, à rejeter la constitution et à négliger la pression internationale et populaire ? Jadis, Pierre Nkurunziza était un président très présent parmi la population et dès lors fort populaire, mais ses promesses de progrès social et économique n’ont nullement été tenues. Le Burundi demeure parmi les pays les plus pauvres au monde ; la vie quotidienne des dix millions de Burundais, dont la moitié à moins de 25 ans, est dure et désespérante.

Benoit Lannoo / AFdB (RTBF / La Libre)


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