Lettre du roi Baudouin adressée au Premier ministre Wilfried Martens, le 30 mars 1990


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Lettre du roi Baudouin adressée au Premier ministre Wilfried Martens, le 30 mars 1990
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
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Lettre du roi Baudouin adressée au Premier ministre Wilfried Martens, le 30 mars 1990

"Monsieur le Premier Ministre,

Ces derniers mois, j’ai pu dire à de nombreux responsables politiques ma grande préoccupation concernant le projet de loi relatif à l’interruption de la grossesse. Ce texte vient maintenant d’être voté à la Chambre après l’avoir été au Sénat. Je regrette qu’un consensus n’ait pu être dégagé entre les principales formations politiques sur un sujet aussi fondamental.

Ce projet soulève en moi un grave problème de conscience. Je crains, en effet, qu’il ne soit compris par une grande partie de la population comme une autorisation d’avorter durant les douze premières semaines après la conception.

J’ai de sérieuses appréhensions aussi concernant la disposition qui prévoit que l’avortement pourra être pratiqué au-delà de douze semaines si l’enfant à naître est atteint d’une «affection d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic». A-t-on songé comment un tel message serait perçu par les handicapés et leurs familles?

En résumé, je crains que ce projet n’entraîne une diminution sensible du respect de la vie de ceux qui sont les plus faibles. Vous comprendrez donc pourquoi je ne veux pas être associé à cette loi.

En signant ce projet de loi et en marquant, en ma qualité de troisième branche du pouvoir législatif, mon accord avec ce projet, j’estime que j’assurerais inévitablement une certaine coresponsabilité. Cela, je ne puis le faire pour les motifs exprimés ci-dessus.

Je sais qu’en agissant de la sorte, je ne choisis pas une voie facile et que je risque de ne pas être compris par un bon nombre de concitoyens. Mais c’est la seule voie, qu’en conscience, je puis suivre.

A ceux qui s’étonneraient de ma décision, je demande: serait-ce normal que je sois le seul citoyen belge à être forcé d’agir contre sa conscience dans un domaine essentiel? La liberté de conscience vaut-elle pour tous sauf pour le roi?

Je voudrais terminer cette lettre en soulignant deux points importants sur le plan humain.

Mon objection de conscience n’implique de ma part aucun jugement des personnes qui sont en faveur du projet de loi.

D’autre part, mon attitude ne signifie pas que je sois insensible à la situation très difficile, et parfois dramatique, à laquelle certaines femmes sont confrontées.

Monsieur le Premier ministre, puis-je vous demander de faire part de cette lettre, à votre convenance, au gouvernement et au Parlement?"

Catégorie : L'actu

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