Dès son arrivée en Corée, le pape met les choses au point !


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Dès son arrivée en Corée, le pape met les choses au point !
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
7 min

pape-CoréeDès son arrivée en Corée du nord, pour une visite de cinq jours, le pape François a tenu à recadrer l’objectif de son voyage. Et s’il a salué le dynamisme de l’Eglise coréenne, le souverain pontife a aussi rappelé que cette vitalité ne se mesure pas en « termes quantitatifs ». Il n’a pas hésité à mettre en garde l’épiscopat coréen face à la « mondanité spirituelle et pastorale qui étouffe l’esprit, remplace la conversion par la complaisance et finit par dissiper toute ferveur missionnaire ».

Arrivé à Séoul avec un quart d’heure d’avance sur l ‘horaire prévu, le pape François a été salué à sa descente d’avion par les autorités du pays, au premier rang desquelles la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. « C’est une grande joie pour moi de venir en Corée, “la terre du matin calme” », a lancé le souverain pontife. Après une courte cérémonie de bienvenue, le pape s’est rendu à la nonciature apostolique de Séoul pour un temps de repos et pour célébrer la messe quotidienne, avant de revenir auprès de la présidente de la République de Corée du sud pour assister à la cérémonie officielle de bienvenue, et pour rencontrer les autorités du pays ainsi que le corps diplomatique accrédité près la République de Corée.

Vingt-cinq ans après la visite de saint Jean-Paul II, François a repris le même mot d’ordre. La paix et l’importance accordée aux nouvelles générations ont été au cœur de son intervention face aux politiques et aux diplomates. « La Corée est une terre qui a souffert du manque de paix », a-t-il affirmé. Il a encouragé les autorités dans leurs efforts faits en faveur de la réconciliation et de la stabilité de la péninsule. C’est pour lui « l’unique chemin pour une paix durable ». Et la quête de cette paix « concerne la stabilité de toute la région et du monde entier fatigué de la guerre ».

Le pape en est conscient, cette « quête de paix est un perpétuel défi » pour tous, car il faut « abattre les murs de la méfiance et de la haine, en promouvant une culture de réconciliation et de solidarité ». Et cela doit passer, pour le Saint-Père, par « l’écoute et le dialogue sereins ». « La paix n’est pas simplement l’absence de guerre, mais “l’œuvre de la justice” ». La paix enfin, « demande que nous n’oubliions pas les injustices du passé, mais que nous les surpassions par le pardon, la tolérance et la coopération ».

La paix pour les générations suivantes

Chérir aussi ses jeunes, c’est l’invitation du pape François aux autorités coréennes. Il faut chercher « à leur transmettre l’héritage du passé et à les confronter aux défis du présent ». Il les aussi invités à se demander si « nous transmettons bien nos valeurs à la génération suivante », à qui il faut faire « le don de la paix ».

« Il est important que la voix de chaque membre de la société soit entendue, et qu’un esprit de communication ouverte, de dialogue et de coopération soit encouragé », a poursuivi le pape. Car, en plus de la jeunesse, l’attention doit aussi être portée « aux pauvres, aux personnes vulnérables et aux sans-voix, en satisfaisant leurs besoins immédiats mais aussi en les assistant dans leurs progrès humains et culturels ».

François a ensuite interpellé directement les autorités politiques : « J’ai espoir que la démocratie coréenne continuera à être renforcée, et que cette nation sera un leader aussi dans la mondialisation de la solidarité qui est si nécessaire aujourd’hui : un leader qui recherche le développement intégral de chaque membre de notre famille humaine ».

La Corée du Sud est confrontée à d’importantes questions sociales, a commenté François, « à des divisions politiques, à des inégalités économiques et à des préoccupations concernant la gestion responsable de l’environnement naturel ». Ce tableau parfois sombre a été complété de touches d’espoir par le pape. Malgré les épreuves - l’héritage du pays ayant été éprouvé au long des années « par la violence, la persécution et la guerre » -, « la chaleur du jour et l’obscurité de la nuit ont toujours fait place au calme du matin, c’est-à-dire à une ferme espérance de justice, de paix et d’unité ».

Mais alors que le pape appelait au dialogue, le voisin nord-coréen a procédé à une salve de missiles à courte portée, lancée en mer !

Terre de missionnaires

Venu en Corée du Sud pour béatifier notamment 124 martyrs qui ont donné leur vie pour vivre leur foi, le pape François ne pouvait manquer de saluer un épiscopat qui est l’héritier « d’une impressionnante tradition qui a commencé et a largement grandi, grâce à la fidélité, à la persévérance et au travail de générations de laïcs ». Ce travail a porté ses fruits et maintenant, « l’Eglise en Corée est estimée pour son rôle dans la vie spirituelle et culturelle de la nation et pour sa forte impulsion missionnaire. De terre de mission, la Corée est devenue désormais une terre de missionnaires. »

Ce rôle salué par le pape n’est cependant pas, pour lui, l’alpha et l’oméga. « La vie et la mission de l’Eglise en Corée ne se mesurent pas, en dernier ressort, en termes extérieurs, quantitatifs et institutionnels ; elles doivent être jugées à la claire lumière de l’Evangile et de son appel à une conversion à la personne de Jésus Christ. » Critique en creux d’une Eglise qui ne doit pas perdre de vue la dimension spirituelle de sa mission. Critique également d’une Eglise qui ne doit pas s’endormir sur ses lauriers et se fonder uniquement sur le souvenir de ses martyrs. « Regarder vers le passé sans écouter l’appel de Dieu à la conversion dans le présent ne nous aidera pas à poursuivre le chemin ; au contraire, cela nous freinera et même arrêtera notre progrès spirituel. »

Second thème de ce discours aux évêques coréens : les gardiens de l’espérance. Dans un pays perçu comme un des plus avancés technologiquement, les évêques doivent aider la société à « chercher quelque chose de plus grand, d’authentique et d’épanouissant ». L’épiscopat garde vivant cette « flamme de la sainteté, de la charité fraternelle et du zèle missionnaire dans la communion ecclésiale ». Dans cette optique, les évêques doivent rester proches de leurs prêtres, estime le pape.

Thème cher au cœur du Pape François, l’Eglise missionnaire, « une Eglise constamment en sortie vers le monde, et spécialement vers les périphéries de la société contemporaine. » Le Pape conseille donc aux évêques de garder « une sollicitude particulière » envers les enfants et les plus âgés. Et d’insister concernant l’éducation des jeunes, « en soutenant dans leur mission indispensable non seulement les universités mais aussi les écoles catholiques de tout niveau, en commençant par les écoles élémentaires où les jeunes esprits et les cœurs sont formés à l’amour de Dieu et de son Eglise, au bien, au vrai et au beau, à être de bons chrétiens et d’honnêtes citoyens ». Autre cible qui doit être privilégiée : les réfugiés et les migrants ainsi que les personnes qui vivent aux marges de la société.

Une vitalité qui ne doit pas détourner de la mission

Mais là aussi, si l’Eglise coréenne est unanimement saluée pour son action sociale, le risque est grand, selon le pape, de « réduire notre engagement au service des nécessiteux à sa seule dimension d’assistance, oubliant le besoin de chaque individu de croître comme personne et de pouvoir exprimer d’une manière digne sa personnalité, sa créativité et sa culture. » « L’idéal apostolique d’une Eglise de pauvres pour les pauvres trouve une éloquente expression dans les premières communautés chrétiennes de votre nation », a rappelé François. Et cet idéal, qui lui si cher, doit continuer de « façonner le chemin de l’Eglise en Corée dans son pèlerinage vers l’avenir. »

La critique la plus dure est venue à la fin du discours. Le pape François reconnait que l’Eglise en Corée « vit et agit dans une société prospère, mais toujours plus sécularisée et matérialiste. » Mais, dit-il, « en de telles circonstances, les agents pastoraux sont tentés d’adopter non seulement des modèles efficaces de gestion, de programmation et d’organisation issus du monde des affaires, mais aussi un style de vie et une mentalité guidés plus par des critères mondains de succès, voire de pouvoir, que par les critères énoncés par Jésus dans l’Evangile. » D’où cette exhortation adressée à tous les évêques : « Puissions-nous être sauvés de cette mondanité spirituelle et pastorale, qui étouffe l’esprit, remplace la conversion par la complaisance, et finit par dissiper toute ferveur missionnaire. »

Le pape n’a pas hésité à se montrer sévère avec l’épiscopat coréen. S’il lui reconnait tous les mérites dont la société le pare, il lui a rappelé l’essence même de sa mission née du sang des martyrs de cette Eglise, modèle d’organisation.

Radio Vatican/ J.J.D.

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