Le nouveau Premier ministre français est très proche des milieux laïcs, contrairement à son prédécesseur Jean-Marc Ayrault. Une laïcité agressive est-elle à prévoir?
Dans le pays de la laïcité, la nomination d’un Premier ministre issu du milieu maçonnique peut faire froncer les sourcils des catholiques. Mais la nomination de Manuel Valls relève surtout d’une volonté de redonner du dynamisme à un gouvernement aussi impopulaire qu’inefficace.
Valls – Ayrault: deux parcours assez différents
Si Manuel Valls est né dans une famille socialiste en Espagne, Jean-Marc Ayrault est un pur produit de la France catholique des années 60. Né dans la région du Maine-et-Loire, le jeune Jean-Marc Ayrault fait son catéchisme, fréquente l’école catholique et joue même de l’orgue à la messe dominicale. D’un père ouvrier et d’une mère couturière, Jean-Marc Ayrault apprend les difficultés qui touchent le monde du travail. Cette fréquentation du monde ouvrier va orienter son engagement dans la Jeunesse Agricole Chrétienne, un mouvement jouant un peu le rôle de syndicat chrétien en zone rurale.
Par son engagement dans l’Action Catholique, Jean-Marc Ayrault s’affirme comme un "catho de gauche". Mais il ne met pas ses racines chrétiennes en avant pour autant, voulant à tout prix éviter de faire de sa foi un étendard. Une position qui ne l’empêche donc pas de rejoindre la campagne de François Hollande en 2014, même si celui-ci a inscrit à son programme des propositions avec lesquelles Ayrault se dit "hésitant": mariage homosexuel, euthanasie, mères porteuses, etc.
Le parcours de Manuel Valls peut sembler identique: maire d’une ville de province, puis député. Les deux hommes sont connus pour leurs positions modérées au niveau socio-économique. Mais, ils ont suivi des chemins philosophiques très différents.
Manuel Valls se définit comme "agnostique au sens littéral du terme": "sans religion". Sa recherche de sens passe par la franc-maçonnerie. Il ne s’en cache pas. Selon Le Nouvel Observateur, il a reçu son initiation à la loge du Grand Orient de France dans les années 1980. Officiellement, il aurait pris ses distances dès 1996; une information impossible à vérifier.
Des "frères" qui deviennent collègues
Mais, la nomination du nouveau Premier ministre a révélé une surprise: l’influence discrète, mais importante, d’Alain Bauer. Ce criminologue touche-à-tout est connu pour ses liens étroits avec le monde des affaires. Mais il est aussi ancien grand-maître du… Grand Orient de France. Coïncidence? A ce stade, on ignore encore si Manuel Valls gardera auprès de lui Christophe Chantepy, ancien directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault et lui-aussi membre du Grand Orient.
Au niveau gouvernemental, les observateurs noteront l’arrivée de François Rebsamen comme ministre de l’Emploi. Le maire de Dijon est aussi connu pour être un membre actif de la loge du Grand Orient de France.
Un mépris envers les catholiques?
Manuel Valls hérisse l’aile gauche du PS français en raison de son attitude "musclée" comme ministre de l’Intérieur ainsi que pour ses positions très "sociale-démocrates" en économie. Mais il est tout aussi contesté ailleurs.
Durant l’année 2013, les réformes sociétales du gouvernement français furent très contestées par le mouvement de "La Manif Pour Tous", qui draina près de trois millions de citoyens de toutes origines dans la rue. Cette mobilisation était très résolue, mais toujours pacifique.
Toutefois, le 24 février 2013, tout faillit basculer. Alors qu’une foule d’un million de manifestants, majoritairement des familles, tentent d’accéder aux Champs Elysée depuis l’Avenue de la Grande Armée, les forces de police font usage de gaz lacrymogènes et dispersent violemment les manifestants. De nombreux enfants seront bousculés dans la cohue provoquée par les forces de l’ordre et le ministre de l’Intérieur gagnera le surnom de "Manuel gaz". Pour les familles habituées à enseigner à leurs enfants le respect de l’ordre établi, le malaise est profond.
Pourtant, le franc-maçon Manuel Valls n’a jamais hésité à rappeler les racines chrétiennes de la France ou à se déplacer aux cérémonies protocolaires où il était invité par l’Eglise catholique. Il semble que l'éventuelle inimitié entre Manuel Valls et les catholiques soit plus dans les décisions politiques que dans l’application de la sacro-sainte "laïcité à la française".
Un indice des prochains chantiers du gouvernement Valls? Le maintien en poste de la ministre de la Santé, Marisol Touraine. La ministre n’a jamais caché son ambition d’instaurer l’euthanasie des malades en France. Et Manuel Valls a toujours soutenu cette idée. De quoi remonter un peu plus les catholiques français contre leur gouvernement? A suivre, en tous cas.
M.B.
